Interaction Macrophares-Fibroblastes : Un Pronostic Sombre dans le Cancer du Pancréas – Interview à Zainab Hussain

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Le cancer du pancréas est une tumeur solide constituée de cellules cancéreuses dispersées au sein d’un compartiment, le stroma, majoritairement constitué de fibroblastes et de macrophages.

L’étude réalisée par Zainab Hussain, au sein de l’équipe DISARM, a mis en évidence l’influence du dialogue entre les fibroblastes et les macrophages du stroma sur la réponse aux chimiothérapies. Ses résultats démontrent que la présence de fibroblastes au sein des tumeurs reprogramme la réponse aux agents de chimiothérapie des macrophages, avec une signature transcriptomique spécifique corrélant avec un mauvais pronostic.

Ce travail renforce la nécessité d’évaluer la réponse tissulaire tumorale aux chimiothérapies dans sa globalité, tout en mettant en évidence le lien entre la chimiothérapie et la modulation du système immunitaire, et son impact concret dans la prise en charge des patients.

Interview à Zainab Hussain, réalisée le 26 Février 2024

Peux-tu résumer ton article en une phrase ?

Dans le cancer du pancréas, les macrophages communiquant avec les fibroblastes associés au cancer sous traitement de chimiothérapie ont un phénotype pro-tumoral accru prédisant un pronostic défavorable.

Quel impact ta recherche pourrait-il avoir sur le traitement d’un malade ?

Pour les patients atteints d’un cancer du pancréas, la chimiothérapie est actuellement le seul traitement utilisé, engendrant dans la majorité des cas une résistance importante suivie d’une rechute. Par conséquent, il est essentiel de trouver des thérapies alternatives ou des thérapies combinées avec la chimiothérapie pour pallier cette résistance. Ce travail nous a permis d’identifier une signature génétique des macrophages causée par la communication avec les fibroblastes associés au cancer sous traitement de chimiothérapie corrélant avec une survie plus faible des patients. Avec plus de validations de nos observations sur des échantillons de patients, les cliniciens identifiant cette signature seraient en mesure de proposer une thérapie plus appropriée. Éventuellement, les nouveaux gènes que nous avons identifiés dans les macrophages pourraient être les cibles d’une thérapie combinée pour des patients susceptibles à la chimiorésistance.

A quelle question faudrait-il répondre ensuite ?

Il serait intéressant d’enquêter sur les mécanismes d’actions des deux gènes identifiés dans la signature des macrophages, SELENOP et G0S2. Leur expression modifiée pourrait-elle impacter la communication avec les autres cellules immunitaires, telles que les lymphocytes T, ainsi que les cellules tumorales modulant leur chimiosensibilité ? Pour mieux comprendre la contribution des fibroblastes, il serait également important d’étudier les facteurs sécrétés par ces derniers et leur impact sur le phénotype des macrophages anti-immunitaires et pro-tumorales.

As-tu une anecdote sur cette étude ?

Durant la phase d’analyse des données, une grande partie de mes fichiers de données de cytométrie en flux ont été corrompus dû à un crash de mon disque dur alors que j’étais en train de rédiger ma thèse. Grâce à l’aide d’un ami très doué en informatique, j’ai pu récupérer et restaurer une partie des données mais j’ai dû malgré tout ré-analyser des données plus récentes. C’est toujours dans les moments de stress intense qu’arrive ce genre de pépins !

Un peu plus sur toi : ton parcours, tes études, qu’est-ce qui t’a poussé vers la science ?

Étant petite je me souviens avoir toujours été fascinée par des questions n’ayant pas de réponses évidentes, comme demander à ma mère combien d’étoiles y-a-t ’il exactement dans notre univers et pourquoi. Cette curiosité m’a poussé à suivre des études scientifiques et de fil en aiguille, je me suis trouvée un attrait à la biologie et sa complexité. Après une licence en sciences médicales à l’Université de Western au Canada, j’ai ensuite décidé de poursuivre mes études en France, ayant été toujours curieuse du mode de vie français. En cherchant un stage, j’ai découvert l’excellent travail de Richard Tomasini et j’ai eu la chance de pouvoir intégrer son équipe dès mon stage de Master et jusqu’à l’obtention de mon doctorat.

Et maintenant ? Ton futur ?

Durant ma thèse et après une rencontre fortuite avec Dr. Mara Sherman pendant un congrès international, je me suis prise d’intérêt pour le travail de son équipe. A la fin de ma thèse, j’ai eu la chance de rejoindre son équipe au Memorial Sloan Kettering Cancer Center, à New York, où je suis actuellement post-doctorante. J’étudie l’interaction entre les cellules tumorales, les cellules stromales et les nerfs, plus particulièrement dans le contexte des métastases dans le cancer du pancréas. Dans le futur, j’aspire à devenir enseignante-chercheuse mais surtout contribuer à rendre enfin curable le cancer du pancréas.

En savoir plus :

Hussain Z, Bertran T, Finetti P, Lohmann E, Mamessier E, Bidaut G, Bertucci F, Rego M, Tomasini R.

Macrophages reprogramming driven by cancer-associated fibroblasts under FOLFIRINOX treatment correlates with shorter survival in pancreatic cancer.

Cell Commun Signal. 2024 Jan 2;22(1):1. doi: 10.1186/s12964-023-01388-7. PMID: 38167013; PMCID: PMC10759487.