La communication entre les cellules cancéreuses et les cellules stromales environnantes est essentielle à la progression tumorale. Notre étude a révélé l’existence d’un « cercle vicieux » entre la tumeur et le stroma favorisant la progression de la leucémie myéloïde aiguë (LAM).
Dans nos travaux précédents, nous avons identifié une voie de signalisation dépendant de la synténine qui régule la communication entre cellules. La synténine contrôle le recyclage et la présence à la membrane plasmique de nombreux récepteurs, mais aussi la production et la captation des petites vésicules extracellulaires. Jusqu’à présent, de nombreuses études suggèrent qu’une surexpression de la synténine dans les cellules tumorales favorise l’agressivité de la tumeur, faisant de celle-ci une cible prometteuse pour le traitement du cancer. Plusieurs inhibiteurs de la synténine, dont ceux que nous avons développés au CRCM, ont montré des résultats prometteurs dans des modèles précliniques de cancer. Cependant, le rôle spécifique de la synténine dans le microenvironnement tumoral restait méconnu.
En consultant une base de données publique, nous avons découvert que, de manière surprenante, l’expression de la synténine est réduite dans les cellules stromales de la moelle osseuse (BMSC) isolées à partir de souris atteintes de leucémie (LAM). En accord avec cette observation, nous avons démontré que les cellules leucémiques sont effectivement capables de diminuer jusqu’à trois fois l’expression de la synténine dans les BMSC, en y transférant un micro-ARN (miR-155), lequel est surexprimé dans 30 % des cas de LAM chez l’homme.
Nous avons également démontré qu’une diminution significative de l’expression de la synténine dans les BMSC a des effets pro-tumoraux, ce qui suggère qu’il existe une « boucle de rétrocontrôle » entre les cellules leucémiques et les cellules stromales. Grâce à des expériences de transplantation en série dans des souris exprimant ou non la synténine et des expériences de co-culture in vitro, nous avons pu démontrer que l’absence de synténine dans les BMSC stimulent l’agressivité des cellules leucémiques, en favorisant leur survie et que cet effet est dû à une accumulation d’une glycoprotéine, l’endogline, à la surface des BMSC. Or, nombreuses sont les évidences suggérant que des quantités élevées d’endogline sur les cellules stromales favorise la progression tumorale. Cependant, la manière dont l’endogline des cellules stromales contribue à cette progression était jusqu’à aujourd’hui mal caractérisée.
En résumé, nos données révèlent un effet « suppresseur de tumeur » insoupçonné de la synténine, ce qui remet en question pour la première fois la pertinence et la sécurité d’utiliser la synténine comme cible dans le traitement du cancer. Ceci est vrai dans le contexte de la LAM, mais aussi potentiellement dans les tumeurs se développant dans les os.
Nous sommes particulièrement fiers de souligner que cette étude a été menée intégralement au CRCM, grâce à une collaboration fructueuse impliquant la plateforme TrGET, la plateforme protéomique, l’équipe de Michel Aurrand-Lions, ainsi que les cliniciens de l’Institut Paoli-Calmettes.