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Le Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille fête ses 50 ans ! -

Dominique MARANINCHI

Directeur de l’Institut Paoli-Calmettes de 1990 à 2006

Livret commémoratif

La collaboration IPC/CRCM au coeur de grandes découvertes hautement stratégiques pour la compréhension de la complexité biologique de plusieurs maladies

Le diabète de type 1, maladie autoimmune, est généré par l’activation de lymphocytes T. L’un des points forts de la collaboration avec l’Unité 119 portait sur l’usage de technologies de pointe pour tenter d’élucider les questions biologiques posées, chacun s’appuyant sur son expertise pour poursuivre des objectifs précis de recherche et d’innovation médicale. Des rencontres régulières ont ainsi permis des découvertes fortuites dans le diabète de type 1 : pour citer un exemple, Françoise BIRG implantera à Marseille la technologie du Southern blot, point de départ de l’étude génomique qui s’est ensuite développée via la PCR.

Grâce à ces technologies, nous avons pu démontrer que nous avions transféré un diabète à partir de lymphocytes T activés du greffon, une première mondiale, élucidant de façon décisive la physiopathologie de cette maladie.

L’immunothérapie par les cytokines

A la fin des années 1980, un nouveau saut qualitatif a été réalisé avec Steven A. ROSENBERG et l’utilisation de l’IL-2 clonée, c’est l’épopée des cytokines et le développement de nouvelles approches pour tenter de contourner le problème initial de réactivation de la tumeur lors de la suppression des lymphocytes T : qu’advenait-il de ce phénomène si on réactivait les lymphocytes T ? Les nombreux travaux réalisés dans ce domaine ont confirmé que la balance du système immunitaire était très subtile dans le contrôle de la maladie cancéreuse. Nous avons ainsi démontré les premiers que l’IL-2 in vivo pouvait entrainer des rémissions de leucémies aiguës, de leucémies myéloïdes chroniques, de lymphomes non hodgkiniens, s’ajoutant à l’effet sur les tumeurs solides brillamment démontré dans les travaux de l’Institut national du cancer (National Cancer Institute, NCI). La place de ces stratégies d’immunothérapie sera ultérieurement développée avec des anticorps monoclonaux (mAbs) levant le blocage du système immunitaire en présence d’une tumeur maligne qu’il tolérait.

Les anti-CTLA-4/PD-1

Nous avons ainsi contribué à l’essor des mAbs dans les traitements d’immunothérapie ciblant les mécanismes de blocage  de la réponse immunitaire par la cellule tumorale. Cette expertise, et la connaissance des procédés réglementaires et contrôles qualité propres au développement de programmes cliniques, ont largement contribué à l’essaimage académique au sein d’un tissu de sociétés de biotechnologie innovantes, qui plaçaient le CRCM dans une position très attractive pour les partenariats avec les industriels de la pharmacie.

L’immunologie mais pas que…

L’immunologie est très importante dans la surveillance du cancer, mais les caractéristiques propres au tissu et à la cellule cancéreuse méritaient d’être analysées, et pas uniquement dans leur dimension antigénique. La cellule cancéreuse a une capacité de croissance très importante et arrive ainsi à modifier son microenvironnement. Plusieurs équipes du CRCM ont été très investies dans les domaines de description moléculaire d’un certain nombre de cancers, leucémies et cancers solides, dont le cancer du sein en particulier. En 1986, avec l’arrivée de Daniel BIRNBAUM, de retour des Etats-Unis, et qui souhaitait cloner des oncogènes, le CRCM a fait un saut qualitatif dans la caractérisation et l’analyse fonctionnelle de gènes impliqués dans la genèse, l’invasivité, la probabilité de guérison de plusieurs cancers. L’investissement dans la pharmacologie moléculaire, a complété et intégré cette démarche vers une stratégie thérapeutique moderne dite individualisée. Le fort engagement de chercheurs tels que Patrice DUBREUIL et Jean-Paul BORG, a eu une interface fructueuse avec de nouvelles générations de cliniciens à la double culture, futurs piliers hospitalo-universitaires, tels que François BERTUCCI, Anthony GONCLAVES et Norbert VEY.

L’innovation médicale passe par l’essaimage des expertises

Ce phénomène a toujours existé au CRCM et s’est amplifié avec l’avènement des technologies «omiques» et des nouveaux systèmes de collecte, de gestion et de valorisation des données associées aux projets de recherche. Ce succès s’est traduit par de nombreuses collaborations avec des industriels internationaux sur des projets de développement clinique dont certains évalués directement par la Food and Drug Administration (FDA).

Economie du transfert, impact économique de l’innovation

Claude MAWAS a fait venir et a accompagné la première installation dans un Centre Anti-cancéreux d’une Unité de Sciences Humaines et Sociales d’économie de la santé (médecins, psychologues, économistes, et sociologues), créée et dirigée par Jean-Paul MOATTI, montrant l’originalité du fonctionnement de l’IPC, mixité qui a créé des synergies intéressantes avec les experts des sciences du vivant.

Une vision « grand angle » du cancer grâce à une culture commune qui nous a permis d’appréhender le transfert en pratique

Quand j’ai pris la direction de l’IPC en 1990, l’une des premières décisions prises a été de développer une politique de soutien des projets de recherche menés par les chercheurs du CRCM dans le cadre de transferts vers la clinique. Notre Conseil d’Administration, présidé par le Préfet de Région, avait voté la création d’un compte budgétaire piloté par le Conseil de Recherche qui apportait des sommes conséquentes au financement de projets d’excellence, projets évalués par un Conseil Scientifique spécialisé et indépendant (Scientific Advisory Board, SAB).

En 1995, les fonds étaient mutualisés et répartis vers les projets d’excellence. Ce système permettait de favoriser les investissements technologiques et l’acquisition d’équipements de pointe. De plus, les chercheurs des unités de recherche bénéficiaient d’aide en personnels techniques statutaires, des techniciens financés par l’IPC,  qui bénéficiaient en retour d’une formation aux meilleures technologies du moment et d’un environnement scientifique d’excellence.

Tous les aspects scientifiques et les principaux arbitrages (des priorités scientifiques) étaient entièrement gérés par le Directeur Scientifique, en l’occurrence Claude Mawas. J’étais l’ordonnateur sur la proposition de Claude Mawas et devant le Conseil d’Administration.  Quand Christian Bréchot a pris la direction de l’Inserm en 2001, les relations privilégiées entre l’IPC et le CRCM ont permis de mettre en place des contrats d’interface (Inserm, IPC- CRCM).

En conclusion

Parmi les clés de la réussite, il faut souligner l’importance du dialogue et de la mise au point de technologies au service de la compréhension et du traitement de la maladie cancéreuse. Une recherche intégrée validée reposait dans notre environnement sur l’analyse de besoins médicaux non remplis et le développement de stratégies  qui permettent face à ce besoin légitime de réfuter ou de conforter une hypothèse scientifique ou une perspective thérapeutique.