Norbert VEY
Livret commémoratif
Entretenir la «cross-fertilisation» des programmes de recherche, en facilitant les échanges entre les laboratoires et l’Hôpital
Avec l’entrée officielle de l’IPC en 2008 parmi les organismes de tutelle du CRCM, nous avons assisté à la concrétisation d’une démarche commune du Centre de recherche et de l’Hôpital initiée dans les années 1970.
L’offre systématique et le soutien à des parcours de formation à la recherche des jeunes oncologues, concrétisés par des thèses d’université et des post-doctorats dans des laboratoires prestigieux, est une des clés de cette stratégie. Ces dix dernières années, elle s’est développée sous l’impulsion de la génération précédente, aujourd’hui aux responsabilités, qui avait elle-même bénéficié de ce soutien. Elle s’inscrit dans la durée avec des postes d’interface soutenus par l’Inserm ou par des organismes caritatifs.
Deux éléments majeurs dans la stratégie de l’hôpital ont permis de consolider le continuum recherche-soin : ce sont la création d’une Unité dédiée aux essais de phase précoce, et la création d’un poste de Directeur de la Recherche Translationnelle.
L’Unité de phase précoce, labellisée par l’INCa en 2010 et co-dirigée initialement par le Pr Anthony GONÇALVEZ et moi-même, s’est rapidement développée et a bénéficié d’une importante valorisation au sein du CRCM permettant notamment la création d’entreprises dans notre écosystème. L’exemple de la collaboration avec Innate Pharma sur le développement préclinique et clinique d’anticorps anti-KIR dans les leucémies, en est une illustration. Enfin, grâce à la labélisation comme Site de Recherche Intégrée sur le Cancer (SIRIC) obtenue sur la période 2012-2017 en collaboration avec l’AP-HM, nous avons su structurer et consolider des programmes translationnels forts dans 3 pathologies phares pour le site : les cancers du sein, du pancréas et les leucémies.
Accélérer les programmes de médecine personnalisée ou de précision
Une autre approche de recherche, basée sur les techniques de biologie moléculaire, et initiée dans les années 2010 avec l’avènement de la génomique, a consisté à faire du profilage des tumeurs afin d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques, couplée à l’utilisation de petites molécules capables de bloquer des processus de développement tumoraux complexes, et de transférer rapidement ces nouvelles technologies vers la clinique. En mettant en place des collections d’échantillons reliées à des bases de données cliniques et des programmes de recherche centrés sur des approches multi-omiques, nous avons pu établir de nouvelles signatures prédictives, mais également identifier de nouvelles cibles thérapeutiques.
Au-delà de publications majeures, des essais cliniques prospectifs ont pu être mis en place pour valider ces signatures ou la faisabilité de stratégies d’aide à la décision thérapeutique.
Le Centre de Ressources Biologiques (CRB) constitue une valeur ajoutée hautement stratégique pour notre modèle de recherche
Parmi les connexions qui existent entre l’Hôpital et le CRCM, les échantillons et leurs données associées occupent une place essentielle. Durant les dix dernières années, nous avons développé le Centre de Ressources Biologiques dirigé par le Pr Christian CHABANNON, en privilégiant la qualité des méthodes de conservation et l’accès aux échantillons.
Nous faisons évoluer les modalités de constitution des dernières collections vers des modèles plus agiles. Elles sont constituées dans le cadre d’essais cliniques validés par les Comités d’Ethique, et conçues pour répondre à des questions sur la résistance aux traitements. Ces cohortes doivent s’adapter rapidement aux avancées thérapeutiques puisque l’enjeu est la compréhension des mécanismes de résistance. Par ailleurs, pour mieux appréhender l’adaptabilité tumorale, des prélèvements multiples en cours de traitement doivent être réalisés.
Des structures agiles et évolutives pour accompagner les innovations thérapeutiques
Notre stratégie reste centrée sur l’étude des mécanismes de la résistance aux nouveaux traitements. Nous continuons à prioriser les trois pathologies (sein, pancréas, leucémies) pour lesquelles le continuum de la recherche fondamentale a été solidement structuré, mais nous développons aussi des approches similaires dans de nouveaux domaines comme les cancers colorectaux ou de l’ovaire.
En réorganisant le CRCM autour de 4 départements thématiques, nous souhaitons fluidifier les interactions entre équipes, stimuler la pluridisciplinarité et améliorer l’intégration des cliniciens. Nous continuons par ailleurs à consolider les plate-formes translationnelles gérées par l’Hôpital.
De nouvelles thématiques de recherche sont en train de voir le jour
Elles portent notamment sur les liens entre le vieillissement et la leucémogénèse, mais également sur la compréhension des effets secondaires et des séquelles liées aux nouvelles thérapies, en particulier celles qui ciblent le système immunitaire ou l’instabilité génomique, afin de mieux les prédire et les traiter.
Deux enjeux majeurs à l’horizon 2030 : la data et les collaborations
Si la problématique des collections biologiques reste centrale dans la stratégie de l’IPC et du CRCM, celle de la donnée revêt désormais une importance croissante du fait de l’augmentation exponentielle de la quantité de données produites, mais aussi de la complexité règlementaire.
Avec la mise en place d’un entrepôt de données commun à l’IPC et au CRCM, nous inscrivons notre politique de la donnée dans la stratégie de mise en lien du soin et de la recherche centrée sur les patients, stratégie que nous poursuivons depuis des années.
Un cluster de recherche au coeur d’un écosystème territorial
Le CRCM constitue le pilier majeur du système de recherche en cancérologie. Il entretient, avec les laboratoires situés sur le Campus de Luminy, une grande proximité sur les enjeux de recherche en immunologie. Il existe une grande porosité entre les sites, notamment du côté de l’enseignement et de la formation des étudiants dont les trajectoires se nourrissent d’expériences interdisciplinaires.
Le Canceropôle PACA joue également un rôle majeur dans cet écosystème en organisant les relations entre les différents partenaires de recherche du territoire, avec des connexions qui vont jusqu’à Nice. Il existe donc un véritable cluster qui s’est organisé dans la lutte contre la maladie, composé d’équipes de recherche qui ont le même objectif, en particulier autour de l’immuno-oncologie en lien avec des partenaires industriels.
De nouvelles pages de cette histoire sont en train de s’écrire, que ce soit avec Innate Pharma avec qui nous avons récemment pu lancer une étude de première administration chez l’homme dans le domaine des cancers solides dont l’IPC est le promoteur, mais également avec de nouveaux partenaires tels que Imcheck Therapeutics, entreprise cofondée par Daniel OLIVE.
Le graal pour les médecins de l’IPC, c’est de voir des découvertes, faites dans les laboratoires du CRCM à partir des échantillons des patients pris en charge à l’IPC, aboutir à de nouvelles drogues qui contribueront à l’essaimage de sociétés de biotechnologie dont les médicaments seront testés dans l’unité de phase précoces de l’IPC. Emergence Tx (cofondée par Marc LOPEZ) s’inscrit dans cette boucle avec l’entrée en clinique d’un nouvel ADC. D’autres suivent et l’avenir est ouvert à tous les porteurs de projets ambitieux.
Nous nous sommes configurés pour caractériser des cibles d’intérêt et nous pouvons aujourd’hui nous appuyer sur des plateformes qui permettent d’actionner ces cibles avec différentes thérapeutiques, que ce soient des anticorps nus, des anticorps immuno-conjugués, des CAR-T cells…